Le nom de Joseph Beilvert est célèbre pour ses nombreux méfaits pendant la période de la Révolution. De nombreuses études ont été écrites sur ses « exploits ». En particulier, on peut trouver celle de Mr Velasque parue dans les annales de la société académique de Nantes en 1912 intitulée « Beilvert de Bouaye« .
Par contre il est indiqué partout qu’il n’a pas été possible de retrouver où Joseph Beilvert est mort et quand. Il est temps de résoudre ce mystère…
Généalogie
Joseph Beilvert est né à Bouaye le 11 novembre 1757 à Bouaye (A.D.L.A. BMS de Bouaye 1757 page 9). Ses parents sont Pierre Beilvert, boulanger, et Catherine Poiraud.
Il se marie le 20 janvier 1778 à Bouaye avec Françoise Sorin, née le 31 mai 1753 à Bouaye, fille de Pierre Sorin et Françoise Sorin (A.D.L.A. BMS de Bouaye 1778 page 3). Joseph Beilvert est alors boulanger. Françoise Sorin décède le 5 novembre 1811.
Sur le registre de 1787, Joseph Beilvert est nommé fabriqueur pour la paroisse! (A.D.L.A. BMS de Bouaye 1787 page 2). Il est alors marchand comme indiqué sur l’acte de naissance de sa fille Françoise Jeanne le 25 juin 1787 (même registre page 7).
Joseph Beilvert va avoir au moins 7 enfants avec Françoise Sorin. A priori, seuls 2 enfants vont atteindre l’âge adulte:
- Joseph, né le 1er mai 1785.
- Pierre Brutus, né le 12 brumaire an V qui va décéder à 28 ans le 5 octobre 1823 à Bouaye.
Sans qu’il soit possible de vérifier cette information, le livre suivant indique que Joseph Beilvert a « mutilé son propre fils ». Je n’ai pas trouvé ailleurs trace de cet épisode.
Sa disparition
Après avoir fait parler de lui de nombreuses fois, on perd la trace de Joseph Beilvert après 1818. Mr Velasque indique à la fin de son étude « Que devint Beilvert depuis 1818 ? Où vécut-il ? Où mourut-il ? Nos recherches pour répondre à ces questions sont restées infructueuses« .
De même Pierre Fréor dans son article « un sinistre personnage: Beilver de Bouaye » indique « Et, dans les premières années de la Restauration, le sinistre Beilver disparut ! Nul ne pût découvrir sa retraite et sa mort !« .
La clé du mystère est tout simplement dans la table des décès de l’Enregistrement de Rezé. Dans le volume 1819-1824 on trouve page 25 le décès de Joseph Beilvert à Saint Quentin.
Effectivement sur le site des Archives de l’Aisne, on trouve dans le registre décès/naissance de 1823 à la page 91 l’acte de décès de Joseph Beilvert, décédé le 6 janvier 1823 à Saint Quentin (Aisne). Les renseignements ne laissent aucun doute « Joseph Beivert, terrassier veuf de Françoise Saurin, né à Bouaye (Loire inférieure), domicilié en cette ville, est décédé hier à six heures du soir, agé de soixante cinq ans et qu’il était fils de Pierre Beivert« . Tout correspond!
Auparavant, Joseph Beilvert a eu une dernière fois des ennuis judiciaires. En effet, il est condamné en 1818 à 3 ans de prison. Après avoir fait appel en vain, son avocat dépose une demande de grâce (Archives nationales côte BB/21). « Joseph Beilvert reconnu coupable [en mars 1818] d’avoir tenu une foule de propos séditieux et semé les nouvelles les plus alarmantes [à Bouaye, Saint Mars de Coutais et Saint Léger], notamment d’avoir annoncé [son départ pour Paris et qu’il y arriverait quand Bonaparte entrerai dans la Capitale] à la tête de 1100 turcs« . « Le dit Beilvert est un homme habitué au crime, et surtout aux forfaits révolutionnaires, […] qu’il a été traduit plusieurs fois devant les tribunaux, et toujours acquité par partialité, intrigue ou influence du parti révolutionnaire auquel il tenait« . « Ce Beilvert est couvert de crimes plus atroces les uns que les autres, vol, pillage, meurtre, assassinat« . « Cet homme […] a laissé à Nantes une renommée redoutable« . « J’affirme […] que sa grâce produirait dans le pays le plus mauvais effet« . Il semble bien que cette fois Beilvert n’a pas échappé à la prison…
Son fils Joseph Beilvert
Son seul fils qui a eu une descendance est Joseph né en 1785 et qui se marie le 14 janvier 1806 à Bouaye avec Jeanne Poitard. Il était temps de régulariser car sa femme va accoucher le 27 du même mois! Joseph Beilvert et Jeanne Poitard vont avoir au moins 10 enfants.
Comme son père, il est tonnelier et marchand de vin. Il a une activité assez impressionnante côté affaires. Ainsi, aux hypothèques de Nantes, il va entre 1816 et 1832:
- acheter 4 biens pour un total de 7950 francs
- vendre pas moins de 16 biens pour un total de 17252 francs
- contracter 22 emprunts pour un total de 41856 francs!
Ne pouvant rembourser tous ses emprunts, il va être victime de 3 saisies immobilières en 1828, 1829 et 1834.
Par exemple, il emprunte 2925 francs en 1824 pour acheter 450 barriques vides. Une saisie immobilière du 12 mai 1829 va l’obliger à vendre une maison située au n°7 ruelle du quai Brasserie à Nantes. Cette maison est relativement importante car elle comporte 2 chambres au 1er étage, 2 chambres au 2ème étage et 3 greniers. La même saisie immobilière va lui imposer de vendre une maison au village des Jaunais à Bouaye, 1 jardin, 1 masure et plusieurs pièces de terre. L’huissier va mettre 2 jours complets pour recenser tous ces biens…
Il va de même devoir vendre 3 maisons à Bouaye située sur l’actuelle rue de Nantes pour rembourser François Fruneau, pharmacien à Nantes. Ces maisons sont sans doute celles que l’on peut voir sur le cadastre de 1826 sous le numéro A 915.
Devant les difficultés du couple, sa femme va demander la séparation des biens fin 1829. L’inventaire de la communauté des époux établit un actif de 251 francs et un passif de 4970 francs…
Dans le jugement de séparation, il est noté « que le plus grand désordre règne dans les affaires de Beilvert, et qu’il est urgent pour la demanderesse d’obtenir sa séparation des biens« . En effet, pour « les immeubles qu’elle avait recueillis de la succession de ses frères et mère, tout est devenu par suite d’aliénations la proie de ses nombreux créanciers qui ne cessent aujourd’hui de la poursuivre« .
Par cette séparation des biens, il semblerait que les époux ont surtout essayé de conserver certains biens. Ainsi Joseph Beilvert vend à sa femme un terrain en paiement de leur séparation des biens. Mais la justice s’oppose à cette vente « considérant qu’ici l’acte de vente porte la date du 21 novembre 1829 et que l’acte de dépot au Greffe du tribunal de commerce de l’extrait du jugement de séparation de bien porte la date du même jour« . « Il y a lieu de prononcer la nullité » de la vente et le juge « autorise le sieur Brochard à poursuivre sa saisie immobilière« . Il semble donc bien que l’intention des époux était d’échapper à cette saisie immobilière.
En tout cas cette séparation des biens n’implique pas la séparation des époux car on les retrouve ensemble au recensement de 1836 à Bouaye avec 3 de leurs enfants. En 1841, seule Jeanne Poitard est présente. Elle habite chez sa fille Jeanne mariée avec Jean Charles Pacaud. Joseph Beilvert n’est pas présent à Bouaye à cette date. En 1846 aucun des 2 époux n’est présent à Bouaye. Sa femme est sans doute décédée à Nantes le 29 juillet 1846 (3ème canton) mais l’acte de décès mentionne le nom Boitard au lieu de Poitard…
Leurs nombreux créanciers devaient être persévérant pour récupérer leur argent. Ainsi un certain Prulhière de Vertou a dû faire plusieurs actions en justice pour condamner « les époux Beilvert à délaisser aux mains de Prulhière […] les biens situés à Bouaye […] dans la détention desquels ils se sont indûment maintenus, à faute de quoi ils en seront expulsés par les voies de droit« . Ce n’est qu’en 1847 que les héritiers de Prulhière seront remboursés…
Joseph Beilvert a semble t’il disparu car dans un acte de 1849 il est mentionné qu’il est « absent depuis plusieurs années, ayant un domicile inconnu à sa famille« . Sauf erreur, il n’est pas présent dans les table de successions et absences de Loire-Atlantique entre 1836 et 1856 (étant indiqué comme décédé dans un acte). Une hypothèse serait qu’il soit parti à Paris (une partie des actes parisiens ayant disparu).