Guilbaudeau le rouge

Il parait que lorsque l’on fait de la généalogie, on trouve soit un noble, soit un bandit. Dans notre famille, pas de noble…
Un de mes ancêtres s’est particulièrement illustré lors de la révolution française dans la région nantaise.

Généalogie

La famille GUILBAUDEAU est originaire de Loire-Atlantique. Ainsi, d’après l’INSEE, ce nom est porté uniquement dans ce département à la fin du XIXème siècle. Les premiers ancêtres connus se trouvent à Cheméré vers 1660. Ils y restent pendant 2 générations jusqu’à ce que Jan GUILBAUDEAU se marie avec Magdeleine PATRON à Sainte Pazanne en 1715. Son fils Jean y résidera également et tous ses enfants y naitront, sauf son dernier enfant.

Ainsi François GUILBAUDEAU nait à Port-Saint-Père le 4 février 1766, 7ème et dernier enfant de Jean GUILBAUDEAU et Jeanne ROCAN. Il se marie à Bouaye le 7 juillet 1788 avec Françoise POULARD. A partir de lui et pendant 5 générations, presque tous les ainés de la famille s’appelleront François et seront maçons à Bouaye.

7 enfants naitront du mariage de François GUILBAUDEAU et Françoise POULARD:

  • Pierre, né le 29 avril 1789 à Bouaye ; marié le 8 janvier 1813 à Bouaye avec Jeanne LOIRAT. Remarié avec Anne GAGNIER (ou GARNIER). Décédé le 5 avril 1864 à Bouaye.
  • Louis, né le 30 octobre 1791 à Bouaye et décédé le 15 Floréal an II (4 mai 1794) au château d’Aux.
  • Françoise, née le 17 juin 1794 au château d’Aux et mariée le 5 janvier 1816 à Bouaye avec Joseph LOIRAT, laboureur.
  • François, né le 8 ventôse an V (26 février 1797) à Bouaye. Marié le 17 juillet 1817 à Bouaye avec Anne CHAUVELON. Remarié le 11 janvier 1820 à Bouaye avec Marie-Rose JACQUETTE. Décédé le 24 février 1853 à Bouaye.
  • Jeanne née le 21 ventôse an VII (9 mars 1799) à Bouaye. Mariée le 10 décembre 1818 à Bouaye avec François PERROIS, laboureur. Remariée le 10 mars 1841 à Bouaye avec Stanislas HUMEAU.
  • Anne-Françoise, née le 1er prairial an IX (21 mai 1801) à Bouaye et mariée le 22 septembre 1834 à Bouaye avec Antoine ROUSSEAU.
  • Jean né le 2 brumaire an XII (25 octobre 1803) à Bouaye. Marié le 6 octobre 1825 à Port-Saint-Père avec Angélique CHIZEAU et décédé le 17 mai 1852 à Bouaye.

La révolution à Bouguenais

[Les informations données dans ce paragraphe sont tirées du livre « La paroisse de Bouguenais pendant la Révolution » de l’abbé J.-B. Branchereau]

Le 1er février 1793, le Convention Nationale déclare la guerre à la Hollande et à l’Angleterre. Le 24 février, l’Assemblée Nationale décrète une levée de 300000 soldats. Le 10 mars au soir près de 200 hommes armés se dirigent vers la mairie de Bouguenais. Le 18 mars, la convention décrète hors la loi tout citoyen convaincu d’avoir pactisé avec les royalistes. Le 25 mars, les insurgés de Bouguenais attaque le château d’Aux.

Ce château est situé sur le coteau de la Loire qui domine l’île d’Indret. Le chevalier François d’Aux de Bournays, de retour de Saint-Domingue et des Antilles, fait reconstruire le château de la Hibaudière dans le style de l’époque. En 1789, il quitte son château qui est alors occupé par la garde nationale.

L’attaque du 25 mars est facilement repoussé par les gardes-nationaux mais des renforts sont demandés pour protéger la fonderie d’Indret. Les 600 hommes cantonnés au château d’Aux sont des engagés volontaires, qui ont la réputation d’être des pillards. Quand ils sortent du cantonnement, ils mettent à sac les champs et les maisons. Devant ces excès, ces hommes sont rappelés à Nantes. Le 10 août 1793 le chevalier de la Cathelinière attaque sans succès le château d’Aux.

Le 7 octobre le représentant du peuple Carrier arrive à Nantes et, en raison de la gravité des circonstances, reçoit des pouvoirs quasi illimités du Comité de Salut Public. Il déclare « Je vais faire en sorte de faire fusiller les plus grands coupables. Il faut des exemples terribles ». La terreur règne bientôt sur la région.

Le commandant du château d’Aux envoie ses soldats faire des rafles de fourrages et de pommes de terre dans les communes de Bouaye, Pont-Saint-Martin, Bouguenais et Saint-Aignan. Un butin considérable est rapporté au cantonnement puis expédié à Nantes.

Muscar est nommé comme nouveau commandant des troupes du château d’Aux vers la fin de l’année 1793. En décembre, il ordonne des perquisitions dans les maisons des brigands. Ses soldats font des pillages considérables. Les soldats républicains amènent au château d’Aux les habitants soupçonnés d’avoir des membres royalistes dans leur famille et les fusillent sans jugement. Le 28 décembre Muscar écrit « Encore 7 brigands de fusillés hier. Tous les jours ce jeu patriotique va se reproduire; […] j’espère qu’aucun n’échappera à ma haine implacable ».

Beilver et ses troupes

Muscar est aidé par plusieurs habitants de la région. Parmi eux se trouvent le dénommé Beilver, marchand de vin à Bouaye. Il est enrôlé dans les rangs des volontaires de Muscar en tant que guide.

Le 21 mars 1794, Beilver part faire la chasse aux brigands. Ce jour-là, plus de 60 personnes sont massacrées dans leur maison. Le 31 mars, Beilver fait prisonniers près de 300 hommes et femmes qui sont emprisonnés au château d’Aux. Le 1er avril, la commission militaire présidée par Bignon commence le jugement des prisonniers. 229 condamnations à mort sont prononcées. Une sous-commission, dont le greffier était Brutus Hugo, père de Victor Hugo, parvient à sauver 22 femmes.

Beilver continue ses pillages et ses massacres pendant le mois d’avril. Des pétitions arrivent chaque jour à la municipalité de Bouguenais. On réclame la libération des détenus. Beilver est dénoncé comme voleur au comité révolutionnaire de Nantes ainsi que deux de ses lieutenants, Albran et Guilbaudeau.

Le procès

Quelques unes des victimes de Beilver demandent justice au représentant du peuple le 26 juin 1794. Le 12 juillet, 70 femmes de Bouguenais sont libérées des prisons de Nantes après avoir été innocentées.

Le tribunal criminel militaire, présidé par Bignon, ouvre un procès contre Beilvert, Halbran et Guilbaudeau, guides au château d’Aux à Bouguenais le 4 thermidor an II (19 juillet 1794). Ils sont accusés de viol, vol et assassinat et sont détenus à la prison du Bouffay à Nantes.

Parmi les pièces du procès, on trouve les accusations suivantes:

  • « Anne Gadais a déposé que depuis environ 6 a 7 semaines Beillevert, Halbran et Guilbaudeau se sont présentés chez elle a différentes fois, de jour et de nuit, et y ont commis différents vols et pillages, qu’une certaine nuit, après avoir pillé et volé, ils lont hissé dans un grenier avec une corde et que Beillevert et Guilbaudeau jouirent delle par force et qu’Albrant après quils eurent joui d’elle la voyant pleurer lui dit quil ne fallait pas quelle se fit de la peine, quil se marierait avec elle ».
    « Les accusés ont dit que la déposition était fausse ».
  • « Beilvert et Halbran ont été dans plusieurs village de notre arrondissement avec 50 hommes de chateau d’eau, qui ont pillé et vollé le linge et assignat jusqu’à oter les anneaux des femmes ».
  • « Anne Maillard, veuve Douaud,a déposé qu’il y a environ trois semaines, […] son mari fut blessé de plusieurs coups de fusil et sabre et volé detout cequil avait sur lui, après avoir été laissé pour mort. Quaprès le départ de la trouppe, son mari se traina chez lui où il se mit au lit, que laprès midi, environ les trois heures, la trouppe reparut et vint frapper a sa porte avec violence, quaprès quelle leur eut ouvert, il en entra chez elle, que lui ayant demandé qui était dans son lit et ayant répondu que c’était son mari qui avait été blessé le matin de plusieurs coups de fusil et sabre, quelques uns dirent quil fallait lachever. […] Les volontaires lachevèrent dans son lit et le trainèrent ensuite dans la place ».

Après avoir entendu les témoins et avoir subi 2 interrogatoires, Guilbaudeau est traduit devant le tribunal militaire avec ses 2 complices. Pendant ses interrogatoires, il nie toutes les accusations portées contre lui.

L’accusation indique: « vous voyer a votre tribunal trois monstres qui ont souillé leurs mains de tous les crimes ». […] « Si vos consciences peuvent se convaincre de toutes ces attrocités, ne serés-vous pas tenté de croire, Citoyens, que quelque tigresse allaita ces monstres humains ». […] « En conséquence des faits que j’ai cité plus loin, j’accuse Beilvert, Halbran et Guilbaudau, d’avoir attenté a la sureté et a la liberté des citoyens et de s’être portés envers eux à des voies de fait; je les accuse en outre, de vol, de viol et d’assassinat et je requiers que vous les jugiez conformément aux lois ».

Le 4 thermidor de l’an II, le tribunal juge:

  • « qu’il est constant qu’il y a eu des voies de fait commis envers différents particuliers de la commune de Bouguenay,
  • qu’il est constant qu’il y a eu différents vols fait aux habitants de la commune de Bouguenais,
  • qu’il est constant que Jeanne Bautru agée de 24 ans ait été violée,
  • qu’il est constant que Jean Douaud a été assassiné,
  • qu’il est constant que la fille Gadais a été violée,
  • qu’il n’est pas constant que Beilvert, Halbran et Guilbodeau en soyent les auteurs ».

« En conséquence de la déclaration ci-dessus, le tribunal décharge de toute accusation, les dits Beilvert, Halbran et Guilbodeau, ordonne qu’ils seront sur le champ élargis et mis en liberté à l’exception d’Halbran qui sera écroué de nouveau pour d’autres faits ».

Beilver et Guilbaudeau sont donc acquittés et retournent à Bouaye. On peut imaginer la peur de ceux qui ont témoigné contre eux…

Beilver revient au château d’Aux et est nommé maréchal des logis. Le 31 août 1794, ses soldats tuent Louis David, tonnelier. D’autres personnes seront tuées en septembre. Le 23 janvier 1795, Beilver est de nouveau arrêté pour des violences commises à St Aignan. Il reste 9 mois à la prison du Bouffay.