Généalogie de la famille de Biré
Selon le « dictionnaire des familles Françaises anciennes et notables » de Gustave Chaix d’Est-Ange (pages 304 à 306), la famille de Biré est anoblie grâce à François Biré, sieur de la Sénaigerie, qui a été échevin de Nantes entre 1568 et 1570. Il possédait dans la paroisse de Bouaye la terre de la Sénaigerie.
Son fils, Philippe Biré a acquit le 19 juin 1602 la terre seigneuriale de Jasson à Port-Saint-Père.
Bernardin Biré se marie en 1643 à Gabrielle le Lou et ils auront 2 enfants, Maurice (ou Maurille) et Guy. René Biré, fils de Maurice, épouse Sainte Baudouin le 5 décembre 1692 et ils ont 3 fils:
- René Biré, seigneur de la Sénaigerie, qui siégea en 1736 aux États de Bretagne dans l’ordre de la noblesse.
- Louis Biré, sieur de la Marionnière, né en 1698.
- Philippe Biré, né en 1701.
Le fils de ce dernier, Philippe de Biré, né en 1730, signa en 1788 la protestation de la noblesse de Bretagne. Il a épousé en 1770 Marie-Renée de Vaugirard aux Sables-d’Olonne.
Son fils aîné, Philippe Marie Joseph, est né en 1771 et épousa en 1800 Sainte-Augustine de Rorthays.
Leurs terres à Bouaye
La famille de Biré possédait le logis de la Sénaigerie que François Biré avait acheté en 1576. Voici une photo du logis et de la fuie, symbole du pouvoir seigneurial:
En plus du domaine de la Sénaigerie, la famille de Biré possède énormément de terre dans la commune de Bouaye, en particulier avant la Révolution. En 1826, le cadastre indique que la famille possède encore plus de 18% de la superficie de la commune ce qui représente plus de 19% du revenu imposable de la commune. Ces terres sont principalement détenues par Philippe de Biré, maire de Bouaye de 1807 à 1830 et à sa mère. Ils possèdent en particulier le moulin des terres quartières.
De Biré et Beilvert
Comme beaucoup de boscéens, la famille de Biré va être confrontée à Joseph Beilvert après la Révolution. Ainsi, aux Archives Départementales de Loire-Atlantique, on peut trouver à la côte L1448 le procès instruit contre Joseph Beilvert et Pierre Moreau pour vol avec effraction chez Mr de Biré à Bouaye.
Tout commence par un rapport de gendarmes du 27 avril 1791. Les gendarmes se rendent à la Mévelière suite à une requête de de Biré. Dans une chambre basse, « le tiroir d’un buffet forcé et la serrure d’une porte dudit buffet également forcée, et nous avons trouvées [sic] au lieu beaucoup de papiers incendiés« . Dans une autre pièce, ils trouvent « un bureau dont la serrure nous a paru avoir été forcé avec des outils de fer ; Le Sieur de Biré nous a déclaré que dans […] le dit bureau étaient généralement tous les titres et papiers de famille, avons vu par terre plusieurs lettres et un très grand paquet de papiers […], papiers absolument inutiles« . « Le dit Sieur de Biré nous a dit contre aperçu que lui avait été volé environ une douzaine de mouchoirs des indes, rouge et bleu, marqué P.B.« . Les voleurs ont manifestement voulu nuire à de Biré car les gendarmes trouvent « beaucoup de papiers, et de parchemins brullés dont il ne reste que quelques lambeaux« .
Un peu plus d’un mois plus tard, dans la nuit du 2 au 3 juin 1791, le même genre de vol et dégradations ont lieu à la Mévelière. Ce coup ci, l’enquête progresse rapidement. Les gendarmes nationaux, après avoir fouillé la maison de Beilvert sans rien trouver, lui demandent de faire des recherches dans son magasin. « Beilvert a d’abord soutenu que le magasin n’était plus à lui » l’ayant vendu. Ensuite, il prétend avoir perdu les clés. Lorsque les gendarmes arrivent au magasin, quelqu’un sort part la fenêtre et s’enfuit en direction du lac de Grandlieu sans que les gendarmes ne puissent le rattraper. Ils identifieront Pierre Moreau du Tour à Bouaye comme étant le suspect.
Entrant dans le magasin par la fenêtre, les gendarmes trouvent une grande quantité de serviettes (plus de 450 !) dont certaines viennent d’être fraîchement démarquées ainsi que des draps enveloppés dans le manteau de Beilvert. Ce dernier ne peut expliquer pourquoi… Les gendarmes trouvent également 33 draps, 17 nappes, 4 chemises d’hommes et 4 bouteilles. Beilvert est alors arrêté et conduit à la prison du Bouffay à Nantes.
Le 15 juin 1791, des policiers trouvent « une bouteille d’eau de vie de qualité supérieure » enterrée dans le jardin de Beilvert. On imagine que ce dernier a dû difficilement trouver une explication à la chose…
Se sachant cherché, Pierre Moreau se constitue prisonnier à la prison du Bouffay autour du 15 novembre 1791.
Le Tribunal du district de Nantes va finalement juger Beilvert le 3 juillet 1792 et le condamner à un an de prison.
Le voyage des 132 Nantais
Comme beaucoup de familles nobles, les de Biré vont être touchés par la Révolution Française.
Philippe de Biré, né en 1730, fit parti des 132 Nantais qui ont été envoyé à Paris pour se faire juger comme le relatent le Comte Bernardin-Marie de la Guère et un autre livre anonyme.
Il est décrit étant âgé de 67 ans, 5 pieds 4 pouces, « cheveux gris, sourcils châtains, front ordinaire, yeux bleus, nez long, bouche moyenne, menton rond, visage oval« .
Son fils, Philippe Marie Joseph, né en 1771, « était allé en 1791 s’engager dans l’armée des Princes. C’en fut assez pour que le père devint suspect et incarcéré. Après l’acquittement par le tribunal révolutionnaire de Paris, Philippe de Biré revint à Nantes et mourut subitement sur les marches de la cathédrale le 22 mars 1800. Son fils fit partie de l’expédition de Quiberon en 1795 et put retourner en Angleterre après le désastre [avant de rentrer] en France en 1799« .
Ces 132 Nantais ont été envoyé à Paris le 27 novembre 1793, pendant la terreur, par Carrier pour être jugés par le tribunal révolutionnaire. Ils étaient soupçonnés d’être des fédéralistes. « Il parait bien prouvé qu’ordre avait été donné au citoyen Boussard, commandant le bataillon d’escorte, de les fusiller en route. Aucun d’eux ne devait arriver à Paris« . « [Il] n’exécuta point ces ordres sanguinaires, et fut incarcéré à Angers pour y avoir désobéi« .
Les prisonniers partent donc vers Angers, en voiture pour les plus âgés, à pied pour les autres. Ils arrivent le soir à Oudon où ils sont logés dans l’église: « Là, après nous avoir distribués du lard pourri que nous fûmes obligés de jeter, du pain fort noir et très dur et d’assez mauvais vin, on nous donna à chacun une botte de paille sur laquelle nous nous couchâmes ; avant de me coucher, j’écrivis à ma femme pour l’instruire de mon sort« .
Ils repartent le lendemain et à « environ trois heures de l’après-midi, nous arrivâmes à Varrades, sans nous arrêter à Ancenis où je ne pus voir ma femme qu’auprès de sa porte, qui me fit donner par Dugar une couverture de laine« .
Ils arrivent à Angers le lendemain soir et ils sont logés au séminaire. Ils sont transférés le jour suivant à la prison car « la ville était menacée d’une prochaine attaque de la part des brigands« . Ils vont y rester jusqu’au 19 décembre dans des conditions abominables. « [Le] pain était si mauvais, si noir et si mal cuit, qu’il était presque impossible d’en manger […] une mauvaise soupe, environ une livre de boeuf, un quarteron de lard, que l’on nous faisait payer dix livres. Le vin d’ailleurs était fort dur, très vert, on ne peut plus épais ; en le buvant, on pouvait dire je bois et je mange tout à la fois« . « Devant ce cachot à environ trois pieds de distance était un égout, en majeure partie ouvert, par où passaient toutes les immondices de la cour des femmes et de celle des hommes. Cet égout répandait souvent une odeur très infecte et fort incommode« . Plusieurs prisonniers vont mourir dans cette prison.
Quand ils repartent le 19 décembre, ils ne sont plus que 111 prisonniers. Ils arrivent à Saumur le 20 décembre « [au] milieu des huées et des menaces du peuple et surtout de beaucoup de militaires« . « Le lendemain de notre arrivée, nous eûmes la visite du commandant de la place qui, après nous avoir écoutés avec assez d’intérêt, chercha à nous consoler en nous assurant qu’il ferait tout ce qui serait en lui pour adoucir notre sort et la rigueur de notre position« . « Plusieurs fois nous avions cherché à deviner les motifs de notre séjour à Saumur. Ce n’étoit pas assurément pour nous reposer de nos fatigues, puisque nous venions d’Angers, où nous avions séjourné dix-neuf jours entiers; puisqu’à Saumur on nous avoit déposés dans un local où nous respirions la contagion, et où plusieurs d’entre nous ont contracte des maladies qui les ont conduits au tombeau« .
Ils repartent de Saumur le 25 décembre sous bonne escorte vers Tours, Amboise, Blois puis Orléans dans de bien meilleurs conditions. Ils poursuivent leur voyage vers Paris: « nous traversâmes tout Paris, c’est-à-dire depuis la barrière d’Enfer jusqu’à la mairie où nous arrivâmes à quatre heures de l’après-midi : nous fûmes hués par le peuple, qui d’après les impressions qu’on lui avait donné de nous, nous prenait, comme dans presque toute la route, pour des brigands de la Vendée« . Le 7 janvier 1794, ce sont 109 prisonniers qui entrent à la Conciergerie.
Le Comte Bernardin-Marie de la Guère recense 33 morts en tout: 9 à Angers, 2 à Blois et 22 à Paris.
Le procès
Leur procès ne commence que le 22 fructidor an II (8 septembre 1794) 6 semaines après la chute de Robespierre, ce qui leur a manifestement sauvé la vie. « Le public actuel du tribunal ne ressemble plus à celui qui huait, avant le 9 thermidor, les accusés en jugement. De toutes parts, des murmures de commisération se font entendre, et l’on distingue une espèce de rumeur sourde qui témoigne de l’intérêt que prend la foule aux accusés« .
Les 94 Nantais restants « étaient prévenus d’avoir conspiré contre la République, la liberté et la sûreté du peuple Français : les uns, en employant des manœuvres tendant à favoriser et propager le système fédéraliste ; les autres, en entretenant des correspondances et intelligences avec les émigrés et les brigands de la Vendée, d’autres en employant des manœuvres tendant à égarer les citoyens et à corrompre l’esprit public par le fanatisme et en entretenant des liaisons criminelles avec les prêtres réfractaires ; d’autres enfin, en cherchant à discréditer les assignats par l’agiotage et l’infime trafic du numéraire, en cherchant à occasionner la disette et introduire même la guerre civile dans les départements par l’accaparement de diverses marchandises de première nécessité« . L’acte d’accusation énumère donc des délits extrêmement différents contre des personnes manifestement sans liens les uns avec les autres.
Philippe Biré fait parti des personnes « prévenus de s’être montrés, par leur conduite, les agents du despotisme et de la tyrannie » mais sans précision sur les faits qui lui sont reprochés.
Le 28 fructidor, les 94 Nantais sont acquittés.
Emigrés de la Révolution
La famille de Biré va être inscrite sur la liste des émigrés.
Marie Renée Vaugirard, femme de Philippe de Biré, est rayée de la liste des émigrés suite à la présentation de certificats prouvant qu’elle est restée en France pendant la Révolution (Archives nationales côte F/7/5231).
Son fils Philippe Marie Joseph de Biré va faire une demande de radiation de la liste le 11 brumaire an VII (1er novembre 1798). Son dossier le décrit comme étant « âgé de 27 ans, taille de 5 pieds 3 pouces, cheveux et sourcils châtains, yeux bruns, nez gros, bouche moyenne, menton petit, front bas, visage oval et marqué de petite vérole« . « Il est sorti de France à l’époque du 19 fructidor an V avec un passeport pour l’intérieur. Il a dit qu’il a servi pour les chouans et sa soumission aux lois de la République n’est que du 29 prairial an IV« . Le 7 thermidor an VIII, les officiers de la compagnie territoriale de Bouaye écrivent au ministre de la police générale que Philippe de Biré a été le plus acharné chef des brigands de cette contrée et qu’il était encore chef lors de la dernière guerre.
Philippe de Biré indique qu’il « est vrai que dans l’intervalle qui sépare les deux époques (du 3 avril 1794 au 3 thermidor an IV), aigri par le malheur et l’injustice, je me réfugiais dans l’armée des chouans bien plus pour échapper à l’oppression que pour défendre leur propre cause. Mais lors de la première pacification […] je fis la remise de mes armes et je me retirais dans la commune de Rouen« . Il se rend alors à la Haye aux Pays-Bas. « J’apprends que j’ai cédé à de fausses craintes ; je sollicite la permission de rentrer en France« . « Me fera-t-on un crime de ma fuite en Hollande ?« .
Son père demande la radiation de son fils de la liste des émigrés mais cette demande est refusée (Archives nationales côte F/7/5211).