Biens nationaux

Lors de la Révolution française, des biens appartenant au roi, au clergé ainsi qu’aux personnes déclarées ennemies de la Révolution (principalement les émigrés et les prêtres réfractaires) sont confisqués et mis en vente afin de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’état.

Voici la liste des biens nationaux de la commune de Bouaye (d’après la table Maître côte 2 Mi 45 A.D.L.A.):

Désignation Provenance Acquéreur Date d’adjudication Prix
Le presbytère, un pré, deux vignes Cure de Bouaye Delaplace, Fruneau, Beilvert 31 mai 1791 3075 livres
Une maison avec jardin Gigonnerie Joullain 13 avril 1791 9000 livres
Un marais près le bourg Cure de Bouaye Fruneau et Beilvert 31 mai 1791 ?
Une maison au bourg Tour David 28 juin 1791 2375 livres
Plusieurs pièces Sénaigerie Lévèque 28 ventôse an V ?
Deux cantons de marais Écoles de la charité
Cantons de la Douve Forêt
Une maison Barre Morin 1 thermidor an IV 2074 livres
Le clos de la Pironnerie Praud de la Noé Berneval 3 thermidor an IV 925 livres
La métairie de la Piogerie Praud de la Noé Beilvert 16 thermidor an IV 8038 livres
Le domaine du Fief Guérin, la métairie de la Marchanderie ? Varannes 19 thermidor an IV 24514 livres
Une maison Le Tourneux, prêtre Richer 18 thermidor an VI 31000 livres
Temporel de la chapellenie de Belestre Vieillecheze Fruneau et Beilvert 31 mai 1791 6000 livres
La maison du prieuré Prieuré de Bois Chaux 4 juillet 1791 1510 livres
Maison, jardin Amiand Chaux 4 juillet 1791 ?
Pré Cure de Bouaye Mablet 29 décembre 1791 6225 livres
Pré Perches Mablet 29 décembre 1791 6225 livres
Les 100 journaux Biré Beilvert 14 messidor an VII 2525 livres
Le Bois Guignardais et la métairie des Bauches Praud Beilvert 18 thermidor an IV 36400 francs

Certains biens ont été estimés mais n’ont pas trouvé preneur. Pour les autres, on peut voir l’acquéreur, la date et le prix d’adjudication.

Les achats de Beilvert

Parmi les acheteurs réguliers, on retrouve plusieurs fois Joseph Beilvert, marchand à Bouaye. Celui ci s’est illustré quand il a été enrôlé comme guide au château d’Aux à Bouguenais. Il a été l’auteur de nombreux massacres et pillages pendant la terreur ce qui lui a valu plusieurs séjours en prison.

Il profite manifestement de sa position pour s’enrichir grâce à la vente de biens nationaux. Ainsi, on le retrouve lors de l’estimation du Bois Guignardais avec deux experts. Il va influencer cette estimation en essayant de réduire le prix: « la maison principalle, granges, cellier, magasins et logement, avons trouvé le tout dégradé et la grange incendiée« . De même, la métairie des Bauches est « dans le besoin d’être réparé, principallement pour les couvertures« . Une note a même été ajoutée par un certain Mathieu, commissaire du directoire exécutif: « En raison de la dégradation des fossés, des terres en friche et du mauvais état des batiments j’estime que l’estimation est trop forte d’environ quatre mille francs, sur la totalité de la maison principale et de la métairie des Bauches observation, qui mérite considération vu le coût pour mettre les terres en valeur« . Mais la tentative échoue car une autre note précise que l’on « n’aura pas égard à cette observation« . Ceci dit, le hasard faisant bien les choses, c’est Beilvert qui va finalement acquérir le Bois Guignardais…

La même chose se répète lors de l’estimation de la métairie de la Piogerie. « Les logements de la ditte métairie, écurie, toit et boiserie avons trouvé le tout dans un mauvais état« . Là encore, Beilvert va encore se porter acquéreur. Étrange que ce soit uniquement quand il achète un bien que les bâtiments soient en mauvais état…

Beilvert emploie également d’autres techniques pour s’enrichir pendant cette période troublée. Baudoin Labarre écrit à l’administration centrale du département pour se plaindre que « quelques individus veulent faire passer pour d’anciens communs » des marais à la Ville en Bois alors qu’il en est le propriétaire. « Sans attendre la décision des tribunaux, [ils] ont commencé à s’en emparer. Pour réprimer cette usurpation, je les ai fait citer devant le juge de paix, mais après trois voyages qui ont eu lieu par la mauvaise foi de mes adversaires, et l’emprise qu’ils exercent dans le pays, la justice de paix frappée de terreur, a rendu contre les principes, le jugement que mes adversaires souhaitaient et qu’ils ont dicté, à la vérité« . « Le tribunal [civil de ce département] a le 21 prairial cassé le jugement rendu par la justice de Bouaye comme mal jugé et m’a réintégré dans la possession provisoire de la dite propriété. Ce jugement a été notifié à Beilvert et autres chefs de ces usurpateurs, mais en laissant vaquer dans des marais prêts à être fauchés, des vignes et des bois leurs bestiaux et ce sous les yeux du garde champêtre de cette commune, qui n’a fait aucune suite, et encore sous ceux de l’administration municipale de Bouaye (sans doute paralysée par son secrétaire qui est un des instigateurs de ces troubles, et en outre le guide de la malveillance)« .

Malheureusement, certaines personnes ont sans doute regretté d’avoir fait affaire avec ce genre de personnage. Ainsi, François Fruneau a acheté avec Beilvert la temporelle de la chapellenie de Belestre. Le problème c’est que Fruneau se retrouve à payer la totalité du premier terme (720 livres) car Beilvert n’a pas payé sa part. Une procédure est donc ouverte devant le juge de paix de Bouaye. Ceci dit, Beilvert a une bonne excuse pour ne pas payer car il a été « accusé d’un délit et constitué prisonnier aux prisons du Bouffai de cette ville, où il est encore détenu »… Fruneau obtient donc d’être déclaré l’unique propriétaire devant le tribunal du district, à condition qu’il paye la totalité du prix de vente.