Barit

Pendant la première guerre mondiale, François Guilbaudeau est assigné à la maison Barit du 14 novembre 1915 au 10 mars 1917. Pendant cette période, il loge à Paimboeuf à l’hôtel de l’Union.

Il évoque son travail dans plusieurs lettres début 1916. Il devait travailler comme maçon car il demande à se femme « si tu vas à Nantes, il faut que tu m’achètes une truelle carrée pour maçonner mesurant 0m20 de long et 0m13 ou 0m14 de largeur« . De même, il évoque son travail dans une lettre : « A l’instant je viens de voir que je travaille demain à midi. Nous avons commencé un travail qu’il faudrait qu’il soit fait avant d’être commencé. Donc tous les maçons travaillent. J’ai réclamé mais rien à faire« .
Il a travaillé dans l’usine de poudres car il rassure sa femme quand il a fini ce travail : « Enfin te voilà heureuse. Depuis ce matin, je suis rendu au chantier neuf. J’ai quitté l’usine à poudre mais je reste toujours au même hôtel quoi qu’il me faut 20 minutes de marche. Au moins tu n’auras plus peur des explosions. Nous sommes partit ce matin 31 un peu de tous les métiers sans être prévenus à l’avance. Enfin, c’est le métier militaire« .
Sa femme devait être rassurée car auparavant il avait parlé d’un accident qui était arrivé à l’usine de poudres : « Mardi à 5 heures il s’est produit 4 petits coups sec comme des pétards puis c’est 2 colonnes de pierres placées à l’extérieur du bâtiment qui ont crevé et de là, il a sortit une vapeur qui a mis le feu a un petit bâtiment. 2 heures après, tout était finit, il y avait 3 pompes à incendie. Les dégâts s’élèvent environ à une trentaine de mille francs mais heureusement pas un seul accident de personnes. Le travail n’a pas arrêté pour ça mais seulement l’électricité ne marche pas. Ce soir on a débauché à 5 heures mais la machine chauffe et demain matin il faut être à 6 heures à l’usine. Tu vois que le mal n’est pas grand« .

Eugène Barit en 1931
Eugène Barit en 1931

Après recherches, cette maison Barit fait référence à Eugène Adonis Barit. Il est né à Fontenet (Charente Inférieure) en 1863. Bien que fils d’agriculteurs, il va être diplômé de l’école centrale de Paris en 1885 en tant qu’ingénieur des arts et manufactures. Il va ensuite être attaché au service des eaux du chemin de fer du Nord et aux services techniques de l’exploitation aux chemins de fer de l’État. En 1906 il est directeur de l’usine Lechat à Lille. Ce parcours exceptionnel va lui permettre de recevoir la légion d’honneur en 1906. Un article du journal « La vie Flamande » résume son itinéraire. Egalement, un article dans « Le petit bleu de Paris » en 1906.
Eugène Barit s’est marié à Paris 9ème arrondissement le 16 juillet 1898 avec Pfeiffer Geneviève Fanny Julie, fille de Jean Georges Pfeiffer, compositeur de musique.

L’inventaire suivant aux Archives Départementales de Loire-Atlantique permet d’en savoir plus sur l’usine Barit:
« Pôle de production de produits chimiques depuis qu’en 1915 René Moritz, ingénieur-chimiste, a été diligenté par le ministre de la guerre, Alexandre Millerand, pour installer une usine spécialisée dans la fabrication de produits – dinitrophénol, nitroglycérine, acide sulfurique, etc – destinés à alimenter l’industrie de guerre« .
On voit en effet que le 4 septembre 1915 Eugène Barit fait une procuration à René Moritz (registres de Me Lecuyer, notaire à Paimboeuf) et que les jours suivants Eugène Barit acquiert plusieurs parcelles de terres à Paimboeuf dont la Motte aux sables et le moulin Grasset.

Copyright Archives Départementales de Loire-Atlantique côte 210 J 714

L’image ici confirme que Kuhlmann s’est bien installé au même endroit que les usines Barit.
L’inventaire continue en indiquant que « en mai 1915, l’usine est donc installée rue du Bois-Gauthier, dans les locaux d’une raffinerie de sucre désaffectée. Des terrains acquis entre 1915 et 1916 permettent d’agrandir la surface du site de production qui, au total, comptabilise quatre usines« .

Plusieurs images de ces usines sont disponibles sur le site suivant : lien.


Je suppose, au vu des extraits de lettres ci-dessus, que François Guilbaudeau a travaillé à construire et aménager ces usines.
L’inventaire précise que « à l’issue du conflit, l’État n’ayant plus la nécessité de conserver ces ateliers, la Direction des Poudres décide de vendre la majorité de ses terrains et d’en louer le reste. Les Etablissements Kuhlmann acquièrent ainsi 17 hectares et, en décembre 1919, prennent en location l’atelier fabricant l’acide sulfurique« . L’usine Kuhlmann va être pendant le 20ème siècle une usine de premier plan à Paimboeuf.
Le cadastre de Paimboeuf confirme effectivement que les propriétés bâties et non bâties appartenant à Eugène Barit sont cédées à l’État en 1918 via l’administration des poudres.