Alexis Charpentier

Alexis Charpentier à l’armée.

Alexis CHARPENTIER est né à Saint-Mars-de-Coutais le 2 avril 1884. Il est le fils de Jean-Baptiste et Joséphine BROSSEAU. Il habitait le Brandais à Saint-Mars-de-Coutais dans la maison de ses parents qui existe encore de nos jours:

Il est incorporé au 65ème régiment d’infanterie en 1907 pour 2 ans de service militaire. Le 2 août 1914 le décret de mobilisation est pris. Alexis est donc rappelé à l’armée le 3 août 1914 dans le régiment de réserve, le 265ème.

Malheureusement, il est tué à l’ennemi dès le 28 août 1914 à Ginchy, près de Guillemont, dans la Somme. Il était âgé de 30 ans.

La croix de guerre lui est attribuée en 1920:

Cette décoration est publiée au journal officiel:
Croix de guerre

Sa courte guerre 14-18.

Le journal de marche de la 61ème division d’infanterie donne les renseignements suivants:

  • du 6 au 25 août: transport par voie ferrée vers le Bourget et Aulnays-sous-bois ; instruction.
  • du 25 au 29 août: transport par voie ferrée dans la région d’Arras, puis mouvement vers le sud-est. Le 28 août, combats vers Ginchy et Sailly-Saillisel.

Alexis est donc tué le premier jour de combat de sa division.

Pour avoir une idée de l’intensité des combats, voici une carte postale du lieu à la fin de la guerre (on peut distinguer des personnes à gauche de la photo en train de ramasser les gravats):

Le détail du journal de marche du 265ème indique:

  • le 5 août, départ pour Paris à la gare des marchandises de Nantes-Orléans. « La population nantaise se pressait nombreuse sur le parcours et des acclamations enthousiastes ont accompagné le régiment ».
  • le 6 août: « Arrêt à Maintenon à 12 heures 30, distribution de café. Le régiment débarque à Paris, gare des Batignoles marchandises à 15h30. Il se dirige sur Pantin par les boulevards extérieurs, où il est cantonné ».
  • 7 août: « Le régiment se porte sur Aulnays-sous-bois ».
  • 24 août: « Le régiment reçoit l’ordre de se tenir prêt à s’embarquer en chemin de fer ».
  • 25 août: La compagnie « quitte Aulnays-sous-bois à 1 heure pour s’embarquer à Goussainville à 4 heures. […] Les deux échelons sont dirigés sur Arras où ils débarquent ».
  • 26 août: « Le 265 quitte Garrelle par une nuit noire à 21h30. Il gagne par St Laurent de Blangy. […] La marche est rendue très pénible par l’obscurité ».
  • 27 août: « Des renseignements fournis par la cavalerie et par des soldats de l’armée territoriale qui ont été surpris à Mory font connaitre que la cavalerie allemande est à proximité et vient de bombarder Beugny ». « Vers 17h, au moment où la tête d’avant-garde atteint Ginchy, elle essuie quelques coups de feu partant du bois de Belville. L’avant-garde traverse Ginchy, le Lt Colonel commandant l’avant-garde reçoit à ce moment, tant des éclaireurs montés que des habitants, le renseignement que des groupes assez considérables sont dans les environs et qu’en particulier ils occupent Combles ». « Ordre est donné de se former en une colonne ouverte et de prendre comme objectif la corne sud des Bois de Bouleaux ».
    Les troupes « se portent très crânement sur leurs objectifs. Elles sont bientôt soumises aux rafales d’une artillerie ennemie en position vers la station de Combles, elles n’en continuent pas moins leur mouvement par bonds. L’artillerie amie, en position près du moulin, ne peut en aucun moment appuyer cette attaque ».
    « A ce moment le lieutenant colonel recevait l’ordre de ramener le régiment à Ginchy où il devait passer la nuit avec l’artillerie de la division ».
  • « La nuit du 27 au 28 août fut assez troublée par de fréquentes alertes qui se produisirent principalement en lisière est et sud de Ginchy ».
    « En exécution de l’ordre général de l’attaque du 28 août, le régiment était chargé de tenir les routes Ginchy Guillemont ».
    « De 8 h à 10 h le combat fut un combat par le feu et surtout une lutte d’artillerie, l’artillerie allemande ne cessant de bombarder la lisière de Ginchy, l’artillerie française cherchant à la contre-attaquer ».
    « A 9h30, un agent de liaison de la division apporte l’ordre verbal suivant: les allemands s’approchent de Ginchy. […] Portez toutes vos forces disponibles en avant. […] L’approche des allemands se fait par la partie nord du village. En conséquence, le bataillon prendra comme direction d’attaque un massif d’arbres qui apparait à mi-chemin entre la cote 1/4 et l’ancien télégraphe ».
    « Les 17ème et 19ème compagnies se portent avec entrain dans la direction indiquée ». « A ce moment l’artillerie française en position au sud du cimetière de Guillemont et qui avait appuyée l’attaque commence à canonner la partie sud de Ginchy occupée par des fractions du 6ème bataillon« .
    « L’effet de cette méprise eut des conséquences sérieuses ; à partir de ce moment en effet le moral des hommes commença à s’ébranler et la première ligne regagna peu à peu son point de départ le long de la route Ginchy Maurepas ».
    « L’infanterie en position au carrefour des routes (400 m à l’est de Guillemont) se trouva désormais privée du secours de l’artillerie tandis qu’elle allait être en but au feux croisés de l’artillerie allemande de Maurepas et d’une artillerie en position au nord des bois des Bouleaux ».
    « En fait si le nombre de disparus est considérable, c’est qu’il comprend les blessés laissés sur le terrain occupé par l’ennemi mais qu’il n’a pas été possible d’identifier ».

Ce récit confirme bien qu’une grande partie des soldats français a été tuée ce 28 août par l’artillerie française

La correspondance.

Voici maintenant des extraits des lettres qu’Alexis a envoyé à ses parents.

Ainsi le 7 août, il écrit  « nous avons traversé la Capitale […] et nous sommes cantonné à Aulnays-sous-bois à 12 kilomètres à l’est de Paris mais j’ignore absolument pour combien de temps. […] En attendant de fiche la pâtée aux allemands je vous embrasse tous« .

Le 15 août, il écrit « Tout ce que je regrette de ne pas pouvoir vous annoncer c’est le jour de la libération ».

Le 18 août, il indique « Je puis vous apprendre que nous quittons Aulnays ce soir pour une nouvelle destination que nous ne connaissons pas encore mais nous croyons que ce seras pour la Belgique. Enfin il faut espérer que ça ce passera pour le bien et que ça ne seras pas trop long ».

Le 23 août, il rectifie « Je regrette beaucoup de vous avoir peut-être un peu mis en alarme en vous disant que je partais tout probablement pour la Belgique car c’était une fausse alerte comme nous en avons souvent ». « Je m’ennuie tout simplement ». « Vous aviez oublier de me dire si les raisins commençaient à murir je pense que ça doit aller assez vite car le temps est bien favorable pour elle vivement que ce soit mûr et que j’aille vous aider à le ramasser j’y trouverai les journées moins longues qu’ici à rien faire ».
Il termine sa dernière lettre « en vous embrassons tous et surtout envoyer moi des nouvelles ».

Le 27 septembre, Marie CHARPENTIER, sa sœur, écrit « Je t’assure mon cher Alexis que ce n’est pas gai à Saint Mars tous les jours des nouvelles plus ou moins bonne et bien souvent plusieurs qui sont attendu et qui ne vienne pas comme toi par exemple, cinq semaines que tu as fais ta dernière lettre comprend qu’elle martyr de vivre sans nouvelles dans un temps pareille si çà t’es possible envoie nous qu’un simple billet ou rien qu’un bonjour pourvu que se soit fait de ta main nous serons heureux ».
Elle finit sa lettre par « Je t’embrasse de tous mon cœur et tout le monde se joint bien à moi avec la ferme espérance que nos prières te ramèneront bien vite parmi nous. Ta petite sœur qui est avec toi à chaque instant et qui t’aime de tout son cœur ».

Bien sûr, elle ne sait pas que son frère est mort depuis bientôt un mois. On peut d’ailleurs s’interroger quand l’armée a prévenu la famille du décès d’Alexis. Sur son registre matricule (voir plus haut), il est indiqué que l’avis de décès du 265ème régiment d’infanterie date du 24 septembre 1915. De même sa fiche indique que la mairie de Saint-Mars-de-Coutais a retranscrit l’acte le 26 février 1916. On peut donc penser que ses proches ont dû attendre bien longtemps avant d’avoir confirmation de la mort d’Alexis. Il semblerait que la famille ait été prévenue officiellement en octobre 1914.

Le monument aux morts.

Mes parents se rendent à Ginchy. Les habitants de la commune ont l’habitude de voir passer des personnes de la région nantaise et de la Vendée (le 265ème étant constitué de soldats de ces régions) et indiquent l’emplacement d’un monument aux morts qui a été érigé en souvenir de cette bataille.

Le nom d’Alexis est visible sur le monument:

Voici la plaine de Ginchy où les combats ont eu lieu:

Quelques temps plus tard, des personnes faisant parti du groupe de recherche sépulcrales et de mémoire historique combattante de Vendée (GRM) passent dans cette région et s’inquiète de l’état du monument.
Le maire de la commune leur indique son intention de déplacer le monument afin de le transférer dans un cimetière anglais non loin de là.

En utilisant le cadastre, les bénévoles du GRM découvrent que le terrain a été acheté en 1921 par le père d’un des soldats tué le 28 août 1914. Il avait tout d’abord fait en 1919 une demande d’exhumation et d’identification des corps en vue de leur restitution aux familles mais cette requête a été refusée. Cette personne a donc créé une association des familles des tués du 265ème régiment d’infanterie afin d’élever un monument sur lequel sont inscrits les noms des 89 soldats dont les familles ont participé à la souscription. Ainsi, fait rare, ce monument est en fait privé!

Voici le monument à cette époque:

Voici l’article paru dans le journal « le populaire de l’ouest » le 9 janvier 1920 pour annoncer la souscription:

Le GRM recherche les descendants du propriétaire et l’arrière petite-fille donne son accord pour céder la propriété au Souvenir Français, une association qui entretient les lieux tels que celui-ci. Dans le même temps, la liste des noms gravés sur le monument sera complétée, 110 soldats ayant été tué au total.

Mais les surprises ne s’arrêtent pas là! Il s’avère qu’en fait le monument aux morts a été érigé sur la tombe collective où reposent les 110 soldats. Après la bataille, l’armée allemande a récupéré les corps et a utilisé comme sépulture une fosse à betteraves, le seul lieu disponible pour enterrer tous les corps.

Ainsi, le monument aux morts est en fait une tombe collective qui appartient à une personne privée.

La cérémonie.

Le GRM s’attache alors à retrouver le plus possible de descendants des soldats tués lors de cette bataille afin d’organiser une cérémonie en leur hommage.
Cette cérémonie a lieu le 28 août 2010, 96ème anniversaire de la mort des soldats, en présence des familles, de la population de Guillemont, d’une délégation de la garde d’honneur de Notre-Dame de Lorette, des représentants des ambassades d’Afrique du Sud, du Canada et du Royaume Uni ainsi qu’un grand nombre d’élus locaux et du grand ouest.

Voici quelques photos de la cérémonie: