Quand on fait une généalogie, il y a toujours un ancêtre qui part à Paris. C’est bien évidement le cas dans la famille Guilbaudeau. En revanche, tout le monde n’a pas la chance d’avoir un ancêtre communard!
Généalogie
Jean-Marie Guilbaudeau est né le 6 avril 1821 à Bouaye, fils de François et Marie-Rose Jacquet. Il est le 3ème enfant sur 5. Il passe au conseil de révision en 1841 et part au 1er régiment du Génie en juin 1842 par devancement d’appel. Il passe ensuite au 17ème régiment d’infanterie légère en février 1843.
Après son armée, il va à Paris et se marie avec Françoise Monacier le 7 avril 1847 à Bagnolet, le lendemain de ses 26 ans. On le trouve rue St Pierre à Montmartre en 1847 puis au 2 rue Louvois autour de 1850 avant qu’il ne s’établisse au 3 rue du Hasard (2ème arrondissement) entre 1854 et 1861. Cette rue est nommée ainsi à cause d’une maison de jeu. Sa mère décédera dans sa maison le 24 juin 1860 à l’âge de 74 ans. Jean-Marie déménagera ensuite au 3 rue des Pyramides (1er arrondissement) en 1862 puis au 13 rue de Beaune en 1865-1866.
Il va avoir plusieurs enfants avec sa femme Françoise Monacier mais a priori aucun ne survivra:
- Paul Florentin né le 30 décembre 1847
- Florentin Joseph né le 11 juin 1849 et décédé le 11 août de la même année
- Charles né le 12 décembre 1850 qui décédera le 13 septembre 1854
- Paul Florentin né le 15 janvier 1854 et décédé le 25 août 1854
- Louise née sans doute le 6 novembre 1855 et décédée 21 jours plus tard
On remarquera que les prénoms de Paul et Florentin sont utilisés plusieurs fois, sans doute lié à Paul Florentin Monacier, frère de sa femme Françoise qui a été témoin de leur mariage. Jean-Marie sera également témoin du mariage de Paul Florentin en 1861.
Jean-Marie est tout d’abord papetier quand il se marie, puis commis négociant avant de devenir peintre en bâtiments à son compte. Il va malheureusement faire faillite en 1866. Notons au passage qu’un rapport de police daté de 1808 indique que l’ivrognerie et la débauche sont les défauts dominants des peintres en bâtiment! Espérons que Jean-Marie faisait exception…
Au début des années 1860, la vie de Jean-Marie parait devenir plus cahotique car il va avoir un fils Charles, né le 2 août 1862, avec Rosalie Chiariglione, une lingère avec qui il vit en concubinage. Charles décédera fin 1865 à l’âge de 3 ans.
Un Guilbaudeau communard
Après la commune de Paris en 1871, plusieurs tribunaux militaires vont juger les actes commis pendant cette période agitée. On trouve ainsi au SHD de Vincennes à la côte 8 J 407 le procès d’un certain Charles Guilbaudeau, Capitaine au 85ème Bataillon, « inculpé de participation à l’insurrection parisienne » et « d’avoir exercé un commandement dans des bandes armées« .
Charles Guilbaudeau est censé être né le 15 janvier 1821 à Nantes. Le problème c’est qu’il n’y a aucune naissance de Guilbaudeau à Nantes en 1821… De plus, la liste départementale du contingent ne liste qu’un seul Guilbaudeau cette année là: Jean-Marie né à Bouaye… Enfin, Charles est peintre en bâtiments, marié mais vivant en concubinage avec Rosalie Chiariglione. Tout correspond pour indiquer que Jean-Marie et Charles ne font qu’une seule et même personne. On peut penser que Jean-Marie utilisait le prénom de Charles, prénom qu’il a donné à 2 de ses enfants.
Le site Gallica met à disposition le livre « souvenirs d’un garde national pendant le siège de Paris et pendant la Commune » (partie 1 et partie 2). Ce récit est particulièrement intéressant car il relate le parcours d’un garde national du 85ème bataillon. Il explique que « la garde nationale sédentaire montait la faction aux remparts, et les Vétérans, gardes âgés de plus de 50 ans, occupaient les postes de police dans l’intérieur de la ville« . Leur uniforme consistait en « un pantalon noir à large bande rouge, un petit képi, une tunique en drap noir, avec des parements rouges, une paire de guêtres en coutil, une paire de souliers Godillot […] puis une belle capote bleu de ciel« .
L’acte d’accusation de Charles Guilbaudeau indique que « dès le début de l’insurrection il accepte le grade de Capitaine dans le 85ème Bataillon fédéré. Le procès-verbal d’élection daté du 17 avril 1871 le porte également élu délégué au Conseil de discipline. Guilbaudeau conserve le commandement de sa compagnie jusqu’à la fin de l’insurrection, à laquelle il prête un concours actif et très énergique. Le rapport […] qui rend compte du service fait sur les remparts [de la porte de Vanves] du 16 au 22 mai 1871 signale le zèle et le dévouement de Guilbaudeau« .
Le rapport précise que « l’énergie du capitaine Guilbaudeau fut seul la cause du patriotisme que déploya cette compagnie« . « En résumé, j’ai recommandé tout particulièrement le capitaine Guilbaudeau qui a fait pendant ces quelques jours preuve d’une bravoure et d’un patriotisme à toute épreuve« . Il a « fait le service de la pièce [d’artillerie] avec laquelle je suis sortie 2 fois, sortie du reste très périlleuse« .
« Le nommé Guilbaudeau Charles ayant été cité légalement à comparaître devant la justice et n’ayant point comparu ; toutes les recherches pour le mettre en état d’arrestation ayant été infructueuses« . Rosalie Chiariglione est appellée à témoigner le 19 août 1872. Elle dit ne plus avoir de relations avec lui.
Charles Guilbaudeau va être condamné le 30 décembre 1872 par contumace à la déportation dans une enceinte fortifiée. Sa peine sera annulée en 1879 suite à l’amnistie votée le 3 mars 1879. Entre temps, on perd la trace de Jean-Marie/Charles et il a été impossible de savoir où il est parti.
Prosper-Olivier Lissagaray indique dans son livre « Histoire de la Commune de 1871 » que « l’exode fut énorme, au début, de tous ceux qui craignaient des poursuites ou des dénonciations, et beaucoup restèrent à l’étranger pendant des mois. Pour 3500 environ, les conseils de guerre firent départ définitif. La Suisse et l’Angleterre reçurent le plus grand nombre, la Belgique n’étant pas sûre » (p. 439). « La proscription de Londres était la plus espionnée, celle de Genève la plus nombreuse » (p. 441). « Des trois principales proscriptions, celle de Belgique ne fut pas la moins marquante, bien que très surveillée » (p. 442).
Un très intéressant article précise les conditions du retour d’exil des communards. Peut être Jean-Marie a-t-il fait parti du nombre ou bien est-il décédé à l’étranger. Pour l’instant mes recherches n’ont pas permis de retrouver sa trace après 1871.